Le Nord Afrique et le Moyen Orient débattent la charte des médias libres

Le 2ème Séminaire International du Forum des Médias Libres a permis de promouvoir le débat avec des professionnels de la communication de la Tunisie et les diffuseurs communautaires de la région.


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Le 2ème séminaire pour la construction de la Charte Mondiale des Médias Libres, qui fait partie du Forum Mondial des Médias libres, a eut lieu à Tunis, capitale de la Tunisie, le 29 et 30 Mars 2014, dans le cadre de la semaine des Conférences sur la Liberté d’Expression au Nord Afrique et le Moyen Orient. Cet événement a été organisé par Ponte per, Cospe et FMA avec la participation de représentants du groupe de travail du comité d’organisation de la 5ème édition du FMML qui est en charge de la charte comme Ejoussour, Ciranda, Ritimo et Intervozes.

L’ouverture de la session du FMML à été avec la présentation du processus de construction de la charte mondiale des Médias Libres, qui a commencé en Tunisie en 2013. Les activités suivantes étaient consacrées aux radios associatives-communautaires dans la région du Maghreb-Machrek.

Radio Communautaires dans la région Maghreb-Machrek

La première activité était une présentation du processus du FMML , en particulier la dernière édition qui a été marquée par la focalisation sur la reconnaissance juridique des radios communautaires dans la région Maghreb-Machrek, sujet de la session.
Après la présentation, la parole fut donnée aux représentants des radios communautaires en Tunisie, Maroc , Jordanie et Syrie, qui ont présenté une vision globale sur le travail des radios communautaire ce qui a impliqué un débat et des échanges.

La cérémonie de clôture a été autour de l’établissement de perspectives d’implémentation efficace d’une stratégie de réseautage et de plaidoyer dans la région, grâce à la présentation du projet Aswatouna qui est le premier fond de soutien des stations de radios communautaires dans le Maghreb-Machrek. Ensuite, via une communication par Skype, le secrétaire général d’AMARC a appelé pour la promotion et le renforcement de la reconnaissance des radios.

Avec une forte participation depuis la 3ème édition du FMML en 2013, les radios communautaires espèrent se concentrer sur un document qui servira à renforcer le secteur, comme la lutte pour des règles et des lois qui assureront un espace adéquat dans le spectre, une licence et la non criminalisation des diffuseurs populaires.

L’écriture de la charte, une meilleure diffusion du processus

Dans la matinée suivante, le débat était autour de l’écriture de la charte. Les contributions de Porto Allegre et les ajouts qui ont été faits ensuite furent présentés et ont reçus des suggestions et des critiques qui ont été incorporées dans la charte.
La principale critique concernait le fait que le texte initial n’était pas traduit en arabe et ouvert aux modifications et ajouts via internet, même si cela était prévu pour la 3ème édition du séminaire à Paris durant l’année 2014. Le texte sera consultable en arabe, français, anglais, portugais et espagnol. Un journaliste algérien a parlé de l’importance du processus d’écriture de la charte et l’intérêt de la contribution régionale, mais il a clamé que la majorité des participants n’avaient pas un accès préalable au brouillon afin d’adresser et de ramener de meilleures propositions. Il était clair que la participation régionale dans la charte ne s’arrêtera pas avec la fin de ce séminaire, qu’elle doit se poursuivre jusqu’à la dernière tâche qui est d’éditer et d’approuver le texte, ce qui est prévu d’arriver à Tunis.

Un autre participant, un journaliste tunisien de Monastir, a suggéré que le FMML mette à disposition sur internet une plateforme des médias libres où on peut retrouver différentes initiatives sur les systèmes d’échange d’informations et d’expériences.
En quoi la charte touche-t-elle les professionnels ?

Les participants ont aussi discuté l’envergure de la charte, si elle était exclusive aux indépendants ou inclusive pour le droit des journalistes des médias conventionnels dans l’accès et la publication de l’information sans la menace habituelle à laquelle ils font face. Cheima Ben Hmida, du Forum Social des Jeunes et membre du comité d’organisation du prochain FSM, a soulevé le fait que les journalistes des autres médias devraient prendre part au débat de la charte.

Il a été rappelé que depuis les premières esquisses de la charte des médias libres, il était question de défendre les droits des journalistes et des communicateurs, dans le but de régulariser nécessairement les moyens de communication et d’avoir des lois démocratiques dans tous les secteurs. Mais l’intervention tunisienne a aidé à distinguer que les professionnels agissent dans deux contextes différents, média conventionnel et média l’indépendant. A quel point, les propositions des médias libres peuvent-elles être étendues quand elles sont conditionnées par les intérêts d’un marché ou d’un gouvernement ?

Bassem Krifa a proposé que la charte défende des lois spécifiques pour la protection des bloggeurs, qui ne sont pas acceptés au même niveau que les journalistes accrédités et qui sont persécutés dans la couverture d’événements à portée sociale. Le jour qui a précédé le séminaire, Bassem à été détenu par la police pendant la couverture d’une manifestation et sa caméra a été confisquée. Il a aussi défendu le fait que tout ne peut pas être monté et publié sur internet, car étant parmi les bloggeurs agissant dans les zones de grandes répressions, il a la préoccupation légitime de maintenir des canaux de communication fermés pour des raisons de sécurité.

La diversité culturelle à l’horizon

Le séminaire a inclu un représentant du peuple Kurde qui vivent en Iraq et jusqu’à récemment ne pouvait parler leur propre langue ou préserver publiquement leur culture. Il a expliqué que les difficultés d’un peuple éparpillé entre quatre pays et faisant face à différentes situations d’oppression et qui ne peut pas compter dur des moyens adéquats pour divulguer et défendre leurs droits. Le droit à la culture, la mémoire, l’histoire doivent être respectés par les médias libres, autant pour les kurdes que les palestiniens. Imane a rajouté l’importance du respect de l’identité culturelle dans le document, pour le peuple amazigh par exemple.
L’atelier consacré à faire avancer le processus d’écriture de la charte, a permis de recueillir des recommandations sur la formulation de certains points (voire document de la charte), à inclure de nouvelles dimensions, notamment celles concernant les relations avec les institutions gérant les champs médiatiques, et la protection des bloggueurs et activistes dans le champ numérique. 

Le moment fort de l’atelier a été surtout l’élargissement du processus par la participation de nouveaux acteurs, et activistes. Aussi, l’Irak a rejoint à la dynamique de manière effective, et ont recommandé la tenue du prochain FMML, en Irak, assurant la gestion logistique sur place.

L’articulation tunisienne des médias libres

Le troisième atelier au FMML a été organisé par les médias populaires et collectifs naissants du sud et du centre de la Tunisie, pour analyser les problèmes et les perspectives des bailleurs de fonds dans l’information locale et la contribution dans l’établissement d’une stratégie d’action pour renforcer la légitimité et le rôle des médias communautaires en Tunisie. La rencontre a été soutenue par les organisations de Cospe, GVC, Ya basta et Tunisia Bondie Blog, en collaboration avec les promoteurs des Dynamiques du Forum des Medias Libres.

C’était une rencontre symbolique qui a eut lieu pour la première fois, une opportunité, pour les représentants de médias basiques dans les régions internes de la Tunisie, de présenter le réseau comme étant une revendication collective pour les instances des médias libres. En même temps, cela a stimulé la naissance d’un noyau tunisien dans le processus des médias libres.

« Les challenges de l’information locale et des acteurs locaux sont strictement liés à la reconnaissance juridique, la légitimité que ces sujets ont instaurés dans leur contexte d’intervention. » Said Ali Rebah, représentant de KFM radio de Kasserine.
Selon Sayahi Abdessalem, coordianteur de 3R Radio Regueb, légitimiser le rôle des médias alternatifs n’est pas nécessairement connecté aux professionnels de l’information, mais aussi à la crédibilité des acteurs du terrain. Un problème clé dans la production de l’information locale, inclus par les journalistes citoyens, parait encore concerner les mesures de protection contre les attaques envers les défenseurs des droits de l’Homme et la liberté d’expression. C’est la raison de vivre des médias alternatifs et de la société civile, qui est devenue un sponsor de l’information locale, dirigés pas de jeunes personnes actives dans le territoire, qui soulignent les priorités des citoyens.

Rafika Bendermel, coordinatrice de projet du collectif Bondie Blog Tunisia Gafsa a mis l’accent sur la nécessité de renforcer la légitimité de ces nouveaux médias grâce à l’amélioration de la qualité de l’information disponible pour les citoyens en créant un label à respecter qui garanti l’éthique du métier de journalisme. L’indépendance et la fiabilité de l’information sont selon cette perspective une priorité à ce stade de transition des médias tunisiens.

Dans ce contexte, le thème de la neutralité des médias alternatifs reste à discuter. Des réflexions intéressantes sont développées avec des contextes spécifiques liés à : est ce que le média alternatif a la légitimité d’être partie prenante dans la défense des droits et des causes, la justice et les biens communs, alors qu’il est dans un contexte spécifique où il représente l’ultime source d’information des citoyens ?
Houssem Hajlaoui, ex journaliste de Nawaat et fondateur du webmagazine Inkyfada, a dit que les challenges de l’information en Tunisie ont changé durant ces trois dernières années après la révolution en rapport avec le développement du secteur. Si juste après la révolution le défi était l’expression des opinions et l’expérience des débats libres, et dans ce contexte le rôle des journalistes citoyens était crucial. Dans la phase de transition actuelle, le défi majeur est de produire des informations fiables de qualité à travers le développement du journalisme d’investigation et une nouvelle culture de journalisme. Le concept de média alternatif et citoyen n’est pas synonyme de média de masse et la professionnalisation du secteur à travers un système de qualité est essentielle, si bien que la collaboration avec les médias traditionnels comme partenaires et non des ennemis.
Divers points de réflexion tracent les prochaines étapes du travail commun du groupe : renforcement du réseautage, placement de codes de conduite et de standards qui pourront assurer une qualité et une fiabilité de l’information, la capitalisation de l’expérience des médias libres dans la revendication de reconnaissance. Le processus du FMML est un espace adéquat de revendications. La maturité de Tunis 2015 a le pouvoir d’accroitre le mouvement.
Histoire brève
Ayant eut deux éditions en 2009 à Belem et en 2012 à Rio de Jeneiro, la 3ème édition du FMML organisée dans le cadre du processus du Forum Social Mondial à Tunis en 2013, a convenu d’entamer le processus d’élaboration de la charte des médias libres et sa présentation, débat et introduction dans la 4ème édition qui va aussi avoir lieu à Tunis en 2014.
La proposition est de produire collectivement un document qui pourra servir de référence pour le renforcement des médias communautaires, associatifs, alternatifs et indépendants liés au processus de transformation sociale dans différentes parties du monde. Les collectifs qui optent pour le développement de technologies libres pour internet ainsi que les mouvements pour les lois démocratiques qui sécurisent la liberté d’expression, manifestations et accès à la communication font aussi partie de cet univers. En connectant divers types d’activités, les médias libres sont devenus un terme qui réfère aux mouvements sociaux pour les droits de la communication, que ce soit en rapport avec la communication ou d’autres sujets de la société.
Fin 2013 à Casablanca au Maroc, la rencontre du Forum des Médias Libres a mis en avant la proposition, demandant un débat plus large qui traduit une pluralité de voix dans la charte articulé sous formes d’une série de séminaires durant l’année 2014.
Le premier a eut lieu au Brésil, dans la ville de Porto Allegre en janvier avec une participation internationale. Les fondations de la charte ont été émises, se référant à des documents préalables, concepts et types de médias impliqués, donnant le moyen de proposer des principes communs et des actions qui devront être dans la charte. Le deuxième a eut lieu à Tunis, en Mai. Deux autres séminaires sont prévus en France et au Maroc.
Après Porto Allegre, le brouillon a été enrichi par un collectif de femmes de l’Amérique Latine à Belo Horizonte, Mina Gerais, Brésil, et des activistes des droits humains de Rio Grande do Norte. Les deux groupes ont encouragé le combat des stéréotypes imposés aux différents genres, croyances, races et orientations sexuelles des populations.
Les étapes suivant le séminaire à Tunis sont : le lancement d’une consultation en ligne de la charte des médias libres, un séminaire à Paris et un autre à Marrakech en Novembre, ainsi que l’organisation du 4ème Forum des Médias Libres en Mars 2015 à Tunis.

Rapport réalisé par : Rita Freire, Debora Del Pistoia, Imane Bounjara

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